Principes d’analyse structurelle et cyclique des économies et des niveaux de taux d’intérêt
Mise en avant des faits et non des « stories » :
Effort constant pour trouver et comprendre les facteurs clés pertinents et éviter le trop-plein d’informations, les gros titres et le « noise ».
Rigueur, structure et savoir-faire dans la collecte et le suivi des données économiques pertinentes :
Effort continu de cohérence et de comparabilité dans le temps, entre les zones économiques et entre les marchés pour appréhender les nouvelles réalités.
Les fondamentaux (qualité) doivent toujours être mises en relation avec les valorisations du marché (prix) :
Élaboration de repères utiles et pertinents pour l’évaluation économique sur la base d’une analyse fondamentale. Eux seuls permettront de donner un avis fondé sur des prix de marché « justes », « chers » ou « bon marché », tant en termes absolus que relatifs.
Recherche minutieuse et continue d’opportunités :
Screening permanent, systématique, discipliné et extensif des marchés à la recherche de divergences et de « gaps » entre les fondamentaux et les valorisations, afin de détecter et de pouvoir profiter d’opportunités de manière aussi complète et rapide que possible.
Fondamentaux : analyse structurelle
Une analyse des données macroéconomiques pertinentes des pays doit permettre de déterminer, à un stade précoce, leur vulnérabilité et d’identifier leurs forces, leurs faiblesses, voire les pays en difficulté. Cette identification représente un élément central de l’analyse macroéconomique des pays. En fait, il peut être non seulement crucial d’éviter les faiblesses et les pays en difficulté bien en amont, mais aussi de reconnaître les pays qui pourront se redresser et ceux qui ne le pourront pas, et de savoir à quel moment. L’analyse des pays avec un potentiel de reprise peut en effet contribuer à générer de la valeur ajoutée, tout comme la prévention des faiblesses et des pays en difficulté.
L’analyse structurelle des fondamentaux comprend les dimensions et facteurs suivants, qui ne doivent pas être considérés individuellement, mais de manière interdépendante (par exemple, un problème de liquidité peut devenir plus ou moins menaçant selon la situation de solvabilité ou d’endettement d’un pays) :
Structure et pouvoir économiques
PIB par habitant
Distribution des revenus - Coefficient de Gini
Diversification économique - Plus une économie est diversifiée, plus elle est stable
Potentiel de croissance - Croissance structurelle à long terme
Volatilité de la croissance - Caractéristiques/escalade potentielle des cycles de croissance
Compétitivité - Coûts salariaux unitaires
Flexibilité monétaire
Taux de change - Fixe ou flexible
Potentiel d’inflation - Inflation à long terme, structurelle
Volatilité de l’inflation - Caractéristiques/escalade potentielle des cycles d’inflation
Flexibilité fiscale
Dette publique - en % du PIB
Profil des échéances de la dette publique
Déficit budgétaire - en % du PIB
Viabilité - Dépenses d’intérêts en % des recettes publiques
Recettes publiques - en % du PIB, taux d’imposition moyen
Dynamique de la dette - Niveau des taux d’intérêt moins croissance nominale
Endettement privé - en % du PIB
Flexibilité extérieure
Balance courante - en % du PIB, financement du déficit (y compris réserves de change et IDE)
Endettement extérieur - à court/long terme, en % PIB, en % réserves de change, en % exportations
Taux d’épargne intérieur - Capacité de financement intérieur
Passifs éventuels, notamment risque du secteur bancaire
Taille du secteur bancaire - Total des actifs en % du PIB
Effet de levier - Capitaux propres/actifs
Endettement externe - En % du PIB
Prix des logements - Sécurité centrale dans le secteur bancaire
Situation politique
L’analyse de ces facteurs s’effectue en continu, le même ensemble de facteurs étant collecté pour tous les pays comme point de départ. Cela nous permet d’atteindre un niveau élevé d’homogénéité dans l’analyse des pays et donc des comparaisons pertinentes, à la fois dans le temps et entre les pays. Ainsi, l’analyse peut se concentrer sur la détection précoce des tendances et des points de retournement.
Bien entendu, la valeur de toute analyse fondamentale réside dans la capacité de l’équipe à identifier les facteurs pertinents, à les collecter de manière homogène et à identifier les tendances, les niveaux critiques et les points de retournement de la vulnérabilité des pays. En conséquence, notre équipe a consacré beaucoup de temps à la compréhension et la collecte des facteurs pertinents dans le passé et cela restera une tâche clé à l’avenir.
Fondamentaux : analyse cyclique
Outre la vulnérabilité structurelle des pays, le cycle économique national et mondial est un moteur important des taux d’intérêt absolus et relatifs et des risques pays. De comprendre où se trouve une zone économique dans le cycle économique et où elle va (haute conjoncture, ralentissement, récession, reprise) permet de générer de la valeur ajoutée à partir des mouvements des taux d’intérêt et des primes de risque.
L’analyse cyclique des fondamentaux comprend les dimensions et les facteurs suivants, en tenant compte des facteurs nationaux et mondiaux. En effet, le cycle économique d’un pays est influencé à la fois par des facteurs nationaux et mondiaux, jusqu’à un certain degré. Il est essentiel de comprendre cette interaction :
Identification de la phase du cycle économique (haute conjoncture, ralentissement, récession, reprise)
Leading / coincidence indices
Indices des directeurs d’achat (PMI)
Indices de surprise - Attentes du marché vs réalité
Indices d’agrégation et de diffusion
Croissance et dynamique du crédit - 1re et 2e dérivées de l’endettement privé
Évaluation de la force du cycle
Comme pour l’analyse structurelle, l’analyse de ces facteurs cycliques est réalisée en continu, en prenant le même ensemble de facteurs pour tous les pays comme point de départ. Ainsi, nous obtenons une grande homogénéité dans l’analyse des cycles et des comparaisons pertinentes, à la fois dans le temps et entre les pays. L’analyse peut donc se concentrer sur la détection précoce de tendances et de points de retournement dans les cycles et ainsi sur l’anticipation des mouvements des taux d’intérêt et des primes de risque. Enfin, cette analyse cyclique propriétaire et homogène nous permet une simplification structurée et pertinente de l’énorme flux de données et de la complexité.
Évaluation
L’analyse structurelle et cyclique des fondamentaux doit être mise en relation avec l’évaluation, c’est-à-dire les prix du marché. Seule cette relation peut conduire à des décisions d’investissement et à des stratégies actives de taux d’intérêt. Par principe, nous distinguons l’évaluation absolue de l’évaluation relative et les stratégies actives de taux d’intérêt qui en résultent. Dans les deux cas, il est essentiel de trouver des ancrages d’évaluation significatifs et pertinents basés sur une analyse fondamentale. Ces ancrages ou modèles d’évaluation permettent de déterminer de manière fondée si l’évaluation du prix de marché est « correct », ou s’il existe des écarts ou des « gaps » par rapport aux fondamentaux et si les évaluations des prix du marché sont « chères » ou « bon marché », en termes absolus et relatifs. Il est important de procéder à un examen continu, systématique, discipliné et complet des marchés afin de déceler ces écarts et ces « gaps » entre les fondamentaux et les évaluations dans le but d’identifier des opportunités afin de pouvoir en tirer profit aussi largement et aussi tôt que possible.
Les ancrages ou modèles d’évaluation suivants sont utilisés de manière systématique et homogène :
Évaluation structurelle des taux d’intérêt
Sur la base de notre analyse des fondamentaux, nous déterminons un niveau de taux d’intérêt d’équilibre structurel « correct » pour un pays, composé d’une croissance potentielle réelle à long terme et d’un potentiel d’inflation à long terme, soit un niveau de taux d’intérêt nominal « correct » à long terme. Ce niveau de taux d’intérêt d’équilibre « correct » est comparé au niveau actuel des taux d’intérêt sur le marché et permet d’évaluer, si les taux d’intérêt sont « corrects », « bon marché » ou « chers ». Le niveau des taux d’intérêt du marché doit également exprimer un niveau de taux d’intérêt à long terme, c’est pourquoi les taux d’intérêt à terme implicites dans la courbe des taux sont utilisés à des fins de comparaison.
La mise en place de cette évaluation structurelle des taux d’intérêt permet non seulement l’évaluation des taux d’intérêt nominaux, mais aussi l’évaluation séparée des taux d’intérêt réels et des anticipations d’inflation et donc l’évaluation séparée des obligations indexées sur l’inflation et des taux d’inflation point mort (le cas échéant). La croissance potentielle réelle à long terme constitue le point d’ancrage de l’évaluation des taux d’intérêt réels négociés sur le marché et le potentiel d’inflation à long terme constitue le point d’ancrage de l’évaluation des taux d’inflation neutres négociés sur le marché. Il en résulte une évaluation permettant de savoir si les taux d’intérêt réels et les anticipations d’inflation sont jugés « corrects », « bon marché » ou « chers ».
Évaluation cyclique des taux d’intérêt
L’analyse cyclique des fondamentaux, c’est-à-dire de savoir où un pays se trouve et où un pays va dans le cycle économique, est comparée au taux d’intérêt du marché et à son évolution, ce qui permet d’identifier les écarts et les « gaps ». En particulier, la comparaison des attentes et des surprises du marché concernant les fondamentaux d’une part et les taux d’intérêt d’autre part constitue un point d’ancrage important dans l’évaluation cyclique des taux d’intérêt. Là encore, les écarts ou les « gaps » entre le cycle économique et les taux d’intérêt du marché peuvent être identifiés et exploités. De comprendre comment les banques centrales respectives réagissent est un autre élément important de l’évaluation cyclique des taux d’intérêt – bien qu’il reste très difficile de trouver un ancrage d’évaluation pertinent dans ce cas précis.
Évaluation de la courbe des taux
L’évaluation cyclique et structurelle des taux d’intérêt fait également partie de l’évaluation de la courbe des taux :
Les courbes de taux, c’est-à-dire leur pente et les nombreux ratios au sein de la courbe, sont souvent directionnelles par rapport au cycle et aux mouvements des taux d’intérêt. Cette directionnalité cyclique doit être identifiée et prise en compte par une analyse de l’historique des cycles de taux d’intérêt. En comparant la courbe des taux et les niveaux des taux d’intérêt, les écarts et les « gaps » peuvent être identifiés et exploités.
L’évaluation structurelle des taux d’intérêt par rapport à l’ensemble de la courbe des taux donne une idée de la vitesse avec laquelle le prix des différentes sections de la courbe des taux est fixé par le marché et s’il est éloigné ou proche du niveau d’équilibre, et donc une idée de leur attractivité relative.
Dans une étape supplémentaire, on tient compte du fait que les rendements « carry » et « roll-down » sont des moteurs importants pour des stratégies de courbe des taux réussies, en plus de la directionnalité décrite ci-dessus. En conséquence, cette composante de revenu est calculée de manière systématique et continue et intégrée dans l’attractivité relative au sein de la courbe des taux et du positionnement sur la courbe des taux.
Évaluation des risques pays
L’évaluation des risques pays repose évidemment sur la comparaison de l’analyse structurelle des fondamentaux décrite ci-dessus (et donc de la vulnérabilité des pays) d’une part et des primes de risque des pays d’autre part.
En outre, l’évaluation structurelle des taux d’intérêt décrite ci-dessus est également appliquée aux pays à risque et le niveau « correct » des taux d’intérêt nominaux à long terme est comparé aux taux d’intérêt à terme implicites (y compris l’évaluation séparée des taux d’intérêt réels et des anticipations d’inflation mentionnée plus haut).
Afin de tenir compte du risque pays, cette évaluation structurelle des taux d’intérêt est complétée par la prime de risque explicite du pays. La croissance potentielle réelle à long terme d’un pays est donc modélisée et ajustée au risque en ajoutant la prime de risque respective du pays (écart de CDS sur le marché) à une croissance potentielle réelle à long terme « mondiale » ou « régionale ». Il en résulte un niveau de taux d’intérêt réel et nominal explicitement ajusté au risque et « correct », qui à son tour peut être comparé aux taux d’intérêt à terme implicites.
Évaluation des devises
L’évaluation structurelle des devises est effectuée de façon systématique sur la base de méthodes courantes telles que la PPP (Purchasing Power Parity) et le REER (Real Effective Exchange Rate), qui sont complétées par des analyses exclusives (par exemple, les Z-Scores, analyse et évolution des termes de l’échange). Par ailleurs, les paires de devises sont évaluées en fonction de facteurs cycliques et on recherche des écarts ou des « gaps », notamment des différences de dynamique de croissance (indices de surprise relatifs), de dynamique d’inflation (indices de surprise relatifs) et le « carry » (différences de taux d’intérêt).
Évaluation des instruments
Finalement, l’évaluation relative des différents instruments disponibles pour une construction optimale du portefeuille a lieu, c’est-à-dire placements en espèces vs produits dérivés, investissements dans différentes devises avec couverture de change, obligations individuelles, etc.
Tous les ancrages et modèles d’évaluation peuvent être utilisés à la fois pour l’évaluation absolue et relative ainsi que pour la génération correspondante de stratégies de taux d’intérêt et de pays. Par exemple, l’évaluation cyclique des taux d’intérêt peut se traduire par une position de duration longue absolue sur les taux d’intérêt en EUR si les taux d’intérêt en EUR s’éloignent de la dynamique cyclique dans la zone euro. L’évaluation cyclique des taux d’intérêt peut entraîner une duration longue relative sur les taux d’intérêt en EUR et une duration courte sur les taux d’intérêt en CHF si l’écart de taux d’intérêt EUR-CHF s’éloigne de la différence de la dynamique cyclique dans la zone euro et en Suisse.